04/04/2007

Remettre à plat 68

Mai-Juin dans les ‘‘années 68’’ : Appels à communications


Comparativement à d’autres champs d’études en sciences humaines et sociales, on retrouve en sociologie et en sciences politiques (exception faite de l’histoire de l’art) un nombre relativement significatif de travaux traitant ou abordant, d’une façon ou d’une autre, la question des générations1. Je crois que l’on peut dire, sans les avoir exhaustivement recensés, que Mai 68 en tant qu’événement historique marquant en est, d’une part, l’un des objets d'étude principale et, d’autre part, en constitue la référence à partir de laquelle émerge l’interrogation générationnelle : quelle différence entre la génération 68 et leurs parents ? Quel devenir pour la génération 68 ? Quels en sont les facteurs originels ? Quelles ressemblances et dissemblances entre les nouvelles générations d’étudiants descendant dans les rues et celle de 68 ? sont les questions que l’on y rencontre le plus souvent ici ou là.

On notera toutefois que les études (majoritairement) qualitatives se posant sérieusement la question de la définition de leur objet sont tout de même assez rares. Au-delà des références académiques obligatoires, et le plus souvent superficielles, à Mannheim, la validation épistémologique et méthodologique du concept de « génération » qui est utilisée comme catégorie d’analyse est trop souvent survolée, voire tout simplement ignorée. Comme si l’existence de la génération ou des générations prises comme objet d’étude, et c’est a fortiori le cas pour la génération 68, était une évidence dont on ne pouvait douter. De combien d’individus parle-t-on ? Quelles en sont précisément les années de naissance ? Malgré leur rencontre sur les barricades et leur "ennemi" politique commun, les différences sociales des individus concernés étaient-elles suffisamment mineures pour que l'on se permette de parler d'homogénéité générationnelle ou d'identité de génération ? La conscience d’appartenir à une génération (malheureusement trop souvent prise comme symptôme de l’existence indiscutable d’une génération) n’est-elle pas, dans ce cas-là comme dans d’autres, une reconstruction a posteriori ? Autant d'interrogations malheureusement assez peu soulevées lorsqu'il est question d'analyser "le phénomène" de Mai 68.

Un ensemble d'institutions de recherche et d'autres groupes de réflexion (le BDIC, Paris I et VIII, les universités d'Evry et de Dijon, le GERME, etc…) organisent une intéressante série de journées d’études, de colloques et de tables rondes autour du thème de Mai 68 manifestant le souhait de remettre à plat les connaissances accumulées sur ce sujet. Ils annoncent, sur la base d'une collecte de fonds documentaires et d'une sélection des meilleurs travaux, faire table rase de la « gangue journalistique », qui il est vrai a été particulièrement prolixe en la matière, entourant de près cette histoire et ainsi en faire « un objet d'histoire presque comme les autres ».

Je n’ai pas trouvé dans le descriptif de l'appel à communications une attention particulière à la dimension spécifiquement générationnelle de leur thème d’intervention (le mot « génération » y est d'ailleurs absent...) mais souhaitons que ce désir critique à l'origine de ces rencontres inclut également la volonté de discuter de leur outil d’analyse qui, je ne peux en douter, comprendra le concept de « génération ».

1 : cf. cette bibliographie de l'ODG "Politique et approches générationnelles"


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