Guimier et Charbonneau, Génération 69 (compte rendu)
Voici un autre livre critique, et plutôt « coup de gueule » de deux journalistes trentenaires contre le génération du baby-boom.
L’ouvrage se veut et se déploie comme un argumentaire systématique prenant en compte successivement plusieurs dimensions (politique, culture, sexualité, rapports entre les générations). Toutefois, on retiendra l’intention plutôt que la qualité de l’exercice. En effet, malgré quelques données statistiques et quelques références faites à quelques études sur les inégalités générationnelles, les deux auteurs n’échappent pas à l’écueil du genre. De quelles générations parle-t-on ? De quelles classes d’âges ? Et quelles populations et groupes sociaux se cachent derrière les catégorisations en « générations » ?
Sur ces questions, les références et les catégories employées sont trop floues pour emporter l’adhésion du lecteur. Les baby-boomers sont visées mais en aucun cas on ne sait de quelles cohortes ils traitent exactement. A de nombreuses reprises, les personnes et surtout les « célébrités » citées (e.g. Pierre Tchernia) sortent du cadre de ce qu’il est usuel d’entendre par les baby-boomers (cf. Sirinelli). On n’en sait guère plus sur l’étendu de l’espace social considéré et par défaut de précisions la confusion règne dans l’articulation entre catégories sociales et destins générationnels.
On comprend que distinguer plus finement les destins sociaux d’individus d’une même « génération » reviendrait à relativiser l’homogénéité de la dite « génération » et, par voie de conséquence, reviendrait à saper l’intention des auteurs : mettre à jour des reproches envers une génération qui selon les auteurs se présente précisément comme « irréprochable ».
La question est donc la suivante : le peu de scientificité de l’ouvrage invalide-t-elle les propos avancés ? Oui et non. Oui, car l’ampleur des dimensions considérées par les auteurs les perdent, jouant ainsi le jeu de ceux qu’ils entendent critiquer, en mélangeant un peu tout ils perdent en crédibilité. Non, car finalement il nous semble que ce qu’il faut retenir de ce livre réside dans son caractère performatif et prophétique : celle de voir émerger une conscience de génération parmi les trentenaires depuis trop longtemps décriés et rester sous la coupe des baby-boomers. Un livre tel une pierre à l’édifice d’une prophétie rêvée autoréalisatrice que nous pourrions résumer de la sorte : n’attendons plus l’adoubement de nos glorieux anciens, émancipons-nous enfin de la génération 68 en réalité si critiquable, non valons mieux que ça !
Et en ce sens, nous soulignerons qu’avec cette critique contre une génération de référence dont « l’horizon » est souvent donné comme « indépassable » (cf. Ricard), nous ne sommes pas très éloignés de la thèse de Marcel Gauchet, sans pour autant opérer des rapprochements entre les auteurs et entre les ouvrages qui n’ont pas lieu d’être, pour qui la génération politique et intellectuelle issue du baby-boom se caractériserait pas un manque criant d’inclinaisons à l’héritage et aux transmissions intergénérationnelles (cf. Rencontre « Régénaration » à l’Assemblée Nationale, 2005).